La fin des chaudières à gaz dans les logements neufs est déjà une réalité en France. Aujourd’hui, le gouvernement envisage d’aller plus loin en interdisant l’installation de nouvelles chaudières au gaz dans les logements existants d’ici à 2026. Si cette mesure était mise en œuvre, elle toucherait près de 12 millions de foyers, soit 40% des ménages français.
La proposition a été avancée par la première ministre le 22 mai 2023. Cependant, à ce jour, aucune loi ou décret n’a encore été adopté pour concrétiser cette initiative qui soulève de nombreuses questions : est-il vraiment possible d’atteindre cet objectif ? Se chauffer au gaz naturel est toujours pertinent aujourd’hui ?
Dans cet article, nous allons examiner en détail les implications de cette éventuelle interdiction et explorer les alternatives disponibles. Nous chercherons à comprendre si cette mesure est non seulement réalisable, mais aussi bénéfique pour les ménages et pour l’environnement.
Table des matières
- Vers une interdiction des chaudières à gaz ? Rappel des faits
- Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il interdire les chaudières à gaz ?
- Fin des chaudières gaz : impact pour les ménages français
- Remplacement des chaudières au gaz en France : les modes de chauffage alternatifs
- Perspectives pour la France en 2030
- Chaudière à gaz neuve : un choix toujours possible pour les propriétaires de logements anciens
Points clés à retenir
- L’interdiction des chaudières au gaz en France est motivée par la crise du marché gazier, la montée des énergies renouvelables et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
- Cette interdiction – qui concerne aujourd’hui uniquement les constructions individuelles neuves – pourrait se généraliser dès 2026 et concerner près de 40% des français.
- Compte tenu des délais et des contraintes techniques que représente un tel chantier, il est fort peu probable que cette mesure soit applicable.
- Les pompes à chaleur (PAC) représentent une alternative intéressante, mais aussi plus coûteuse et complexe à déployer à grande échelle. En revanche, les chaudières hybrides, combinant gaz et électricité, offrent une meilleure efficacité, adaptabilité aux conditions climatiques, et sont également éligibles aux aides publiques.
Vers une interdiction des chaudières à gaz ? Rappel des faits
Après l’annonce du retrait des chaudières au fioul, la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) a mis également mis l’accent sur la réduction du chauffage au gaz en France. En effet, l’objectif principal de la RE 2020 est de libérer nos logements de l’emprise des énergies fossiles (fioul, gaz et charbon), qui sont de grands contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre.
Voici le plan d’action actuel en plusieurs phases complétées par une ambition de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Année | Mesure | Type de bâtiment concerné | Implications | Statut |
---|---|---|---|---|
2022 | Interdiction de la pose de chaudière gaz | Maisons individuelles neuves | Les nouvelles constructions devront opter pour des alternatives au gaz | Voté (RE 2020) |
2025 | Extension de l’interdiction | Logements collectifs neufs | Les bâtiments collectifs neufs devront également se tourner vers d’autres sources de chauffage | Voté (RE 2020) |
2026 | Interdiction de la vente de chaudières à gaz neuves | Tous les bâtiments | Il ne sera plus possible d’acheter de nouvelles chaudières à gaz (sauf solutions hybrides avec PAC) | Annoncé (Planification écologique) |
2030 | Réduction de 50% des émissions carbone | Tous les bâtiments | Les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de moitié par rapport à 1990 | Objectif national |
2050 | Objectif de neutralité carbone pour la France | Tous les bâtiments | Les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites par 6 par rapport à 1990 | Objectif national |
Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il interdire les chaudières à gaz ?
« Pour atteindre nos objectifs en 2030, nous devons doubler le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre » soulignait la première ministre Elisabeth Borne devant le Conseil national de la transition écologique le 22 mai 2023. Comme pour les chaudières fioul, l’interdiction des chaudières à gaz est donc principalement motivée par la nécessité de réduire la part des énergies fossiles et atteindre les objectifs de neutralité carbone.
Interdire les chaudières à gaz serait justifié également par la disponibilité croissante des énergies renouvelables, la crise du marché du gaz, ou encore afin de favoriser l’indépendance énergétique de la France en limitant le déficit commercial lié aux importations d’énergie.
Importance des énergies renouvelables dans la transition énergétique
La transition vers des sources d’énergies renouvelables joue un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en réduisant les émissions de CO2. Pour le chauffage, le potentiel réside dans l’isolation des bâtiments couplés à l’installation de chauffage plus écologique comme l’énergie bois et les pompes à chaleur.
Dans une étude de l’ADEME sur les scénarios de transition d’ici à 2030 et 2050, les PAC réversibles équiperont 20 % du parc total de logements. Le fort taux de pénétration de cette technologie est lié à la poursuite de la consommation tendancielle en climatisation dans certaines régions. Mais le rapport souligne aussi que les logements chauffés au gaz s’équiperont progressivement en chaudières à condensation, en systèmes hybrides et de microcogénération.
Conséquence de la crise sur le marché du gaz
La crise actuelle du marché du gaz a des implications profondes pour la politique énergétique de la France, y compris lorsqu’il s’agit du chauffage domestique. Cette crise est le produit de plusieurs facteurs, à commencer par le conflit en Ukraine.
La guerre a conduit à une hausse des prix conjoncturelle sur le marché gazier liée aux incertitudes d’approvisionnement et à l’augmentation de la demande pour le gaz liquéfié : une alternative plus coûteuse. Cependant, le sabotage des gazoducs Nord Stream en septembre 2022 a marqué un tournant. Même en cas de résolution du conflit, l’Europe restera privée de sa principale ressource en gaz, suggérant que l’augmentation des prix pourrait bien être une tendance permanente. C’est donc aussi pour favoriser l’indépendance de la France qu’il est nécessaire de diversifier nos sources d’énergie, notamment avec les alternatives renouvelables plus compétitives.
Une nouvelle réglementation efficace ?
Malgré ces enjeux, il est légitime de questionner l’efficacité d’une telle mesure, tant sur le plan social où son acceptabilité par les ménages pourrait être complexe, que sur le plan des émissions de CO2 où l’impact serait très incertain.
En effet, l’interdiction des chaudières gaz impliquerait une plus forte demande en électricité, notamment en hiver. Or, c’est pendant les heures de pointe hivernales que les opérateurs du réseau de transport électrique (RTE) sont obligés de faire appel à des centrales thermiques (gaz, charbon, fioul) plus polluantes. Il n’est ainsi pas certain qu’une pompe à chaleur soit plus efficace et écologique qu’une chaudière pendant ces heures.
En outre, l’UFC-Que Choisir souligne que le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur pourrait s’avérer difficile dans les bâtiments mal isolés. En effet, une récente étude technique a montré que la substitution des chaudières à gaz par une pompe à chaleur dans des bâtiments mal isolés ne pourrait que conduire « soit à une insuffisance forte de chauffage, soit à une croissance trop forte de la pointe électrique en hiver et à un recours massif aux centrales au gaz ». De plus, les délais serrés pour remplacer les chaudières semblent difficiles à tenir, notamment en raison des difficultés techniques et d’application telles que l’accord nécessaire des copropriétés ou encore la mise en place de systèmes de ventilation adaptés pour les pompes à chaleur.
Enfin, une telle mesure pourrait réduire le potentiel du gaz renouvelable, par exemple en rendant moins attractifs les investissements vers des technologies comme la méthanisation. Il est donc essentiel de prendre en compte l’ensemble des enjeux environnementaux, sociaux, techniques et financiers pour assurer une transition efficace et juste. À commencer par l’impact pour les ménages français…
Fin des chaudières gaz : impact pour les ménages français
L’impact de l’interdiction des chaudières à gaz pourrait toucher près de 12 millions de ménages français. Cela représente pas moins d’une maison sur trois et d’un immeuble sur deux. Cette mesure prévue par le gouvernement pour 2026 fait face à une forte résistance de la part de l’industrie du gaz, des artisans, mais aussi des associations de consommateurs et de locataires.
Parmi les préoccupations, on note le coût élevé des alternatives sur le marché. Certes, les subventions publiques actuelles rendent le coût des alternatives plus attractif, mais elles ne couvrent pas l’intégralité du surcoût. De plus, la perspective d’une réduction de ces aides pour les ménages de la classe moyenne suscite aussi des inquiétudes.
Jusqu’à 7000 euros de surcoût et un abonnement au gaz plus cher
Selon l’UFC-Que Choisir, le passage à une pompe à chaleur pourrait entraîner un surcoût pouvant atteindre 7000 € pour les ménages même après prise en compte des aides actuelles.
En outre, l’interdiction de commercialisation des chaudières à gaz pourrait également avoir un impact sur le coût de l’abonnement au gaz pour les consommateurs qui conservent leur chaudière. En effet, avec un parc d’abonnés de plus en plus restreint, la totalité des coûts d’acheminement du gaz serait répartie sur un nombre plus petit de consommateurs. Cela pourrait entraîner une augmentation significative de la facture de gaz pour ces ménages.
Il faut néanmoins rappeler que l’interdiction en 2026 ne porterait que sur l’achat de nouveau équipement et que cette mesure n’empêcherait en aucun cas l’usage de l’équipement existant. Vous resteriez donc libre d’utiliser votre chaudière au-delà de 2026. Mais si cette dernière venait à tomber en panne sans être réparable, vous seriez obligé de la remplacer par un autre mode de chauffage…
Remplacement des chaudières au gaz en France : les modes de chauffage alternatifs
Dans cette section, nous allons explorer les différentes options qui s’offrent à vous dans le cas où vous souhaiteriez remplacer votre chaudière, notamment les pompes à chaleur, le gaz renouvelable et les chaudières hybrides. Pour une analyse plus approfondie, n’hésitez pas à consulter notre article dédié aux modes de chauffage écologiques.
Installer une pompe à chaleur seule : une solution à double tranchant
D’un point de vue efficacité, ce type d’équipement de chauffage affiche un très haut rendement. Par exemple, une PAC affichant un SCOP de 3 peut fournir 3 kWh de chauffage pour 1 kW d’électricité consommée, soit un rendement de 300%. Lorsqu’il s’agit de bilan carbone, elle affiche environ 50 g de CO2/kWh, soit 90 % d’émissions de CO2 en moins qu’une chaudière au fioul (230 g de CO2/kWh) et 70 % d’émissions de CO2 en moins qu’une chaudière à gaz (325 g de CO2/kWh).
Néanmoins, les pompes à chaleur, bien qu’elles soient une alternative très prometteuse face aux chaudières à gaz, ne sont pas sans leurs propres défis :
- Elles sont jusqu’à 4 fois plus coûteuses à l’achat et à l’installation
- Leur fonctionnement nécessite une source d’énergie électrique supplémentaire
- Leur efficacité est fortement réduite dans les climats froids, notamment lors des pics de froid hivernaux
- Elle requiert un logement bien isolé pour fonctionner sans surconsommer. À défaut, il est nécessaire d’effectuer des travaux de rénovation énergétique.
- Certains modèles peuvent représenter une nuisance sonore pour le voisinage
- L’installation de pompes à chaleur est incompatible avec certains bâtiments (taille, isolation, espace extérieur, règles de copropriétés, etc.)
Malgré ces contraintes potentielles, notez que les PAC bénéficient d’aides pour l’installation, comme Ma Prime Rénov ou l’éco-prêt à taux zéro, qui rendent cette solution particulièrement intéressante aujourd’hui pour de nombreux logements.
Le potentiel du gaz renouvelable
Ignorer dans les récentes directives du gouvernement, la filière du gaz renouvelable pourrait pourtant jouer un rôle majeur dans la transition énergétique. Selon les estimations de l’ADEME, GRDF et GRTgaz, le gaz renouvelable injectable pourrait couvrir entièrement la demande de gaz en France à l’horizon 2050. Trois grandes filières de production de gaz renouvelable sont étudiées : la méthanisation, la pyrogazéification et le power-to-gas. Cependant, pour que ces potentiels soient accessibles en 2050, il sera nécessaire de lever certains freins et favoriser l’émergence de technologies nouvelles : aides pour les solutions à hydrogène, aides pour les installations de pyrogazéification qui permettent de valoriser les biomasses et les déchets, etc.
Cependant, l’interdiction des chaudières à gaz pourrait s’avérer être un contresens à ce niveau. Par conséquent, plutôt que d’interdire les chaudières, il serait peut-être plus judicieux de promouvoir l’utilisation de gaz renouvelable, avec par exemple des contrats gaz verts, et d’encourager l’installation de chaudières à gaz plus performantes ainsi que des équipements hybrides.
La chaudière hybride : une solution flexible
Les chaudières hybrides, qui combinent l’utilisation de gaz et d’électricité pour le chauffage, sont souvent citées comme une alternative efficace aux chaudières au gaz traditionnelles. Elles permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en conservant la flexibilité d’un système de chauffage au gaz.
De plus, elles peuvent s’adapter aux différentes conditions climatiques, ce qui les rend particulièrement adaptées pour les régions où les hivers sont rigoureux. Leur système permet aussi de mieux contrôler sa facture de chauffage. Par exemple quand il fait trop froid en hiver, les installations hybrides basculent sur le chauffage au gaz qui sera alors plus efficace et économique qu’une pompe à chaleur seule. Cette dernière aura en effet beaucoup de mal à chauffer et sera donc moins intéressante en termes de rendement et de prix.
Dans le contexte actuel, c’est donc une alternative qui permet un bon équilibre entre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le coût et le confort de votre chauffage domestique. Notez que l’installation d’une chaudière hybride est parfaitement éligible aux aides publiques.
En adoptant quelques bons gestes pour réduire sa consommation, c’est un système qui permet de réaliser des économies !
Perspectives pour la France en 2030
A l’horizon 2030, le chauffage des bâtiments résidentiels en France devrait connaître une transformation profonde, avec un basculement progressif vers des systèmes sans énergies fossiles. La part des logements chauffés au gaz, actuellement majoritaire, devrait significativement diminuer. Selon les scénarios envisagés par le gouvernement, 40% à 50% des maisons individuelles au gaz et 10 à 20% des logements collectifs au gaz devraient abandonner cette énergie d’ici à 2030.
Pour les remplacer, les PAC, en particulier air-eau, devraient devenir prépondérantes grâce à leur compétitivité croissante. D’autres énergies renouvelables comme le bois-énergie, le solaire thermique ou les réseaux de chaleur sont également appelés à se développer fortement. En parallèle, la rénovation thermique des logements, en ciblant prioritairement les passoires énergétiques, permettra d’optimiser les performances des nouveaux modes de chauffage.
Cette transition nécessitera des investissements importants, aussi bien de la part des ménages que des pouvoirs publics, ainsi qu’une adaptation des filières professionnelles.
Résumé du plan d’action proposé en mai 2023
- Un calendrier progressif par type de bâtiment est prévu.
- Les PAC hybrides resteraient autorisées pour répondre à certaines contraintes techniques.
- Des exemptions sont prévues en cas d’impossibilité technique ou de coûts excessifs.
- Cette interdiction aura un impact sur les réseaux gaz et électrique, qui devront s’adapter.
- La filière du chauffage devra se transformer, d’où des besoins en formation et en soutien à l’innovation pour les nouvelles technologies.
- La transition vers des alternatives telles que les pompes à chaleur doit être accompagnée d’un soutien financier et technique.
- Il est nécessaire de mettre en place un plan de rénovation du parc immobilier français afin d’améliorer l’efficacité énergétique de manière globale.
Chaudière à gaz neuve : un choix toujours possible pour les propriétaires de logements anciens
Si vous êtes propriétaire d’un logement équipé d’une chaudière à gaz, vous vous demandez peut-être si cela vaut toujours le coup de la remplacer par un modèle plus performant ?
Même si elles ne sont plus éligibles aux aides publiques, notez qu’un modèle de chaudière performant pourrait tout à fait constituer un investissement à la fois économique et écologique. Par exemple, une nouvelle chaudière à condensation permet de réaliser jusqu’à 35% d’économies par rapport à une ancienne chaudière classique.
Certes, le gouvernement nous incite à adopter des solutions de chauffage plus respectueuses de l’environnement, comme les pompes à chaleur. Cependant, cela ne signifie pas que vous êtes contraint de renoncer à une nouvelle chaudière à gaz si celle-ci répond mieux à vos besoins. Et rassurez-vous, même après 2026, vous aurez toujours le droit d’utiliser votre chaudière.
Il est important de se rappeler que chaque logement est unique. La meilleure solution de chauffage pour vous dépendra de nombreux facteurs, y compris votre budget, la surface de votre habitation, et même de votre emplacement géographique. Alors, prenez le temps d’évaluer vos options et de choisir la solution qui vous convient le mieux. Si vous avez besoin de conseils ou que vous souhaitez plus de renseignements sur nos services en région parisienne, notre équipe se tient à votre disposition.
– Expert Gaz & Eau
Source des graphiques : Accélérer la décarbonation du secteur du bâtiment (Gouvernement, juin 2023)